martedì 20 marzo 2012

LA MACEDONIA IN CRISI E LA VIOLENZA URBANA

La Macedonia è alle prese da settimane con la violenza "interetnica" nelle città, mentre le istituzioni sembrano incapaci di arginare il fenomeno. In causa c'è l'incompetenza della classe politica, ma anche la disperazione dei giovani messi da parte. Non è bene essere di etnia macedone a Tetovo, o albanesi a Kisela Voda, mentre il quartiere di Cair rischia diventare il Bronx di Skopje. Le Courrier des Balkan propone oggi l'analisi di Nano Ruzin, docente universitario ed esponente del Partito liberal-democratico. Siccome nelle ultime puntate di Passaggio a Sud Est a Radio Radicale, ci siamo occupati varie volte delle violenze avvenute recentemente in Macedonia, mi sembra utile proporre qui di seguito l'articolo pubblicato il 13 marzo su Utrinski Vesnik (traduzione in francese di Jaklina Naumovski).

Macédoine : malaise social, violences urbaines et populisme ethnique
Par Nano Ruzin [1]

La violence urbaine que nous connaissons ces dernières semaines, et qui se propage comme une épidémie, est un phénomène nouveau dans les relations inter-ethniques en République de Macédoine. Comment la comprendre ? Les appels au calme suffiront-ils pour sortir de la crise ?

La situation actuelle ne fait pas de doute : nous vivons une importante crise économique, sociale, financière, culturelle et identitaire, qui touche aussi bien les Macédoniens que les Albanais. Beaucoup considèrent que ces violences sont semblables à celles de 2001. Cependant, il existe de grosses différences entre les incidents récents et ceux de cette période. Il y a onze ans, le mécontentement se manifestait avant tout dans les milieux ruraux, et les rebelles exprimaient clairement des revendications politiques. Aujourd’hui, nous avons affaire à des combats urbains, à une guérilla urbaine sans nom, qui se mène dans les centres de Skopje, Tetovo, Gostivar… Les camps rivaux n’ont ni revendications ni objectifs clairs. Le seul but est d’insulter et de battre le jeune de l’autre groupe ethnique.

La ville est le centre du pouvoir. La ville est la personnification du pouvoir et de la gouvernance, du crime, des bons et des mauvais garçons, du béton et de l’asphalte, du transport, de la forte concentration et de l’explosion démographique de la population, des rassemblements de masse… Dans les limites de l’aire citadine, vivent divers segments de la population, avec des origines ethniques, culturelles, religieuses et sociales différentes. Ils sont complémentaires ou rivaux, voire neutres et indifférents...

Dans ce contexte tendu, chaque politicien moderne, conscient de la sensibilité des rapports inter-ethniques liés aux défis urbains, doit être rationnel et éviter le populisme, l’euphorie patriotique appelée nationalisme. Il ne doit pas chercher à imposer son ethnie au détriment des autres, même à travers des manifestations sportives, culturelles ou autres.

Platon avait une maxime concernant l’état d’une société : « Celui qui gouverne doit aussi nourrir ». Dans une démocratie parlementaire, le Premier ministre est l’homme le plus puissant, puisqu’il possède le pouvoir exécutif. C’est le « père de la nation ». Machiavel dirait « la personne la plus responsable de l’État dans une royauté est le souverain ». Il gouverne le navire, il est de sa responsabilité que le peuple soit rassasié, heureux et en sécurité.

Son rôle n’est pas seulement d’être fier de son propre pouvoir, mais de faire aux inconvénients, aux moments difficiles, de prendre des risques et de se battre pour les intérêts de son pays, même si le prix à payer doit être la perte de ce pouvoir. D’un point de vue étique et déontologique, il ne doit pas s’autoriser à accueillir les critiques de l’opposition avec des réflexions du type : « vous aussi, vous faisiez pareil quand vous étiez au pouvoir » !...

Que peut-on reprocher à nos dirigeants ? Quand ils se complaisaient dans l’euphorie nationaliste des sportifs, qu’ils se masquaient narcissiquement dans les maillots de l’équipe nationale ils renforçaient leur cote auprès de l’opinion publique. C’était une fierté d’être un Macédonien, un pur Macédonien. Nous avons laissé nos concitoyens Albanais nous regarder nous réjouir égoïstement, sans leur tendre la main pour partager notre joie. Au contraire, on scandait des slogans contre les « Shiptars » et les autres « non-macédoniens », en leur faisant comprendre qu’ils n’étaient pas invités à la fête...

« Le patriotisme est le fait d’aimer les autres, et non pas de magnifier sa nation. Le nationalisme est le fait de se méfier des autres », déclarait il y a plus d’un siècle le socialiste français Jean Jaurès. C’est pourquoi nous tenons à signaler au Premier ministre Gruevski qu’il est très dangereux de faire des châteaux de sable, de croire à leur solidité, et d’obliger les autres à y croire tout aussi aveuglément.

Une jeunesse exclue et frustrée

Réjouissons-nous que les armes n’aient pas encore fait entendre leur voix, mais j’ai bien peur que cela finisse par se produire. Les jeunes sont, par définition, des rebelles. Les jeunes ont provoqué « les révolutions de jasmin » dans les pays arabes. Les « Indignés » ont pris possession des places à Londres, Paris, Madrid et Athènes. À Skopje et Gostivar, on a défilé contre les « mystères de la police » après les meurtres de Martin [2], de Besnik et d’Imran [3].

En Macédoine, la plupart des jeunes vivent dans la misère et sont lassés de traîner dans les rues et les cafés. Ils cherchent désespérément du travail et rêvent d’un monde meilleur, même si celui-ci se trouve à l’extérieur des frontières. Un tiers des chômeurs sont des jeunes de 18 à 27 ans. Certains d’entre eux sont menacés par les maladies urbaines : les humiliations, la dépression, la grisaille, l’exclusion sociale et les conflits. Ils vivent dans la promiscuité et sont éloignés des centres du pouvoir qui décident de qui sera exclu ou pourra trouver un emploi. Ils ont bien des raisons d’être insatisfaits de la vie. Les frustrations nationalistes qu’ils ressentent par rapport à l’autre ethnie se transforment souvent en salve d’émotions, en chauvinisme et en xénophobie. En Europe, le patriotisme à forte dose est une dangereuse drogue dure, pour sa propre ethnie comme pour les autres.

Le deuxième niveau de notre inquiétude tient à la dégradation du cadre des accords d’Ohrid. Après la célébration du dixième de cet important événement, certains de nos concitoyens parlent encore avec respect de « l’esprit » de l’accord d’Ohrid. Or, ces accords auraient dû provoquer une logique d’intégration entre des communautés ethniques segmentées.

Détournement des accords d’Ohrid

Bien loin de cela, le contrat social entre les communautés, sous l’influence de la coalition gouvernementale, est en train de se transformer en un simple partage des postes, des privilèges et des gros lots diplomatiques (lire notre article « Minorités en Macédoine : pour avoir un emploi public, il faut la carte du parti »). Le BDI, membre albanais de la coalition, au lieu de se comporter comme un partenaire sérieux, a cédé au chantage, et il ressemble aujourd’hui à un groupe de lobbyistes défendant ses intérêts dans un appel d’offres. Il est évident que le BDI aurait besoin d’un nouveau souffle...

Le troisième niveau d’interprétation de cette violence urbaine est plus proche de la théorie du complot, avec plusieurs sous-catégories. L’une d’entre elles consiste à dire que ces violences urbaines ont été utilisées par la coalition au pouvoir, afin de détourner l’attention de l’opinion publique de la crise économique et sociale.

Peut-être le pouvoir pourra-t-il « récupérer » ces événéments, mais je suis persuadé qu’il n’est pas derrière tout ça, et qu’il est conscient des risques qu’il y a à jouer avec le feu. L’autre hypothèse est que, sous pression de la communauté internationale, le Premier ministre serait sur le point d’accepter le compromis dans le conflit sans issue avec la Grèce concernant le nom de notre pays. C’est pourquoi, dans des conditions de troubles et d’insécurité, l’opinion publique pourrait accepter plus facilement le compromis. Ce scénario ne tient pas davantage la route. Je suis convaincu que le Premier ministre continue à jouer à celui qui a envie de trouver un compromis et une solution afin que les Européens crédules le croient. Et toujours, juste au moment où il faudra dévoiler la solution, une nouvelle complication apparaitra ! En tout cas, c’est c’est que pense Bruxelles de notre caste dirigeante...

Quel sens peut donc avoir l’émergence de la violence urbaine ? Une violence de ce type se manifeste dans toutes les grandes villes du monde. Les villes sont devenues le théâtre de violences alarmantes avec des zones particulièrement dangereuses. Le risque est grand si vous êtes blanc dans le Bronx ou à Harlem, à New York, à Saint-Denis ou à Bobigny, dans les favelas à Rio de Janeiro, à Mexico City où tous les bidonvilles sont en état de guerre. De même, il devient dangereux d’être Macédonien à Čair ou à Tetovo, ou bien Albanais à Gjorce Petrov ou à Kisela Voda... La police et les institutions ne sont plus capables de stopper la violence.

[1] L’auteur est professeur d’université et membre du Parti libéral démocrate.
[2] Martin Neskovski, assassiné par un membre des unités spéciales de la police en plein centre de Skopje, le soir des élections du 5 juin 2011. Lire notre article Macédoine : l’heure de la révolte civique après le meurtre du jeune Martin Neskoski.
[3] Deux jeunes Albanais, abattus par un policier à Gostivar le 28 février 2012. Lire notre article « Macédoine : flambée de violence à Gostivar ».

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